[Bloody Cain] Prélude d'une fin inavouable

[hrp : ma première vraie chro pour un autre perso du jeu. C'est une démone du block et de l'armée des 12 singes]






- Comme au bon vieux temps !!

Derrière la lourde toile de cette tente de fortune retentissait le rire faible d’une démone, une démone qui sentait la fin venir et qui pourtant continuait à vivre et combattre, cherchant sans doute un moyen soit de contrecarrer ce destin, soit de finir en beauté.

C’est ainsi que l’humble singe partit pour le paradis, souriant et riant avec les autres ; faire “comme ci” était ce qu’elle avait apprit le mieux à faire.
La traversée des plans fut plus mouvementée qu’elle ne l’avait imaginé, elle fut happée par la porte, ballottée et atterrit brutalement sur le sol ennemi. Autour d’elle, des collines, des lacs, une végétation luxuriante … la beauté et la pureté apparente de cette race, tout lui donnait la nausée.
Ses muscles étaient raidis, son crâne bourdonnait et la faisait atrocement souffrir, une crise dans un moment pareil était bien la dernière chose dont elle avait besoin ; ses yeux injectés de sang tremblaient violemment, les veines de son cou grossirent se transformant en de large couloirs bleus qui remontait le long de son visage vers ses yeux, les veines prenaient peu à peu cette couleur bleu d’un sang impur “privé d’oxygène”, ses yeux se remplirent et le liquide se mit à couler sur ses joues. Recroquevillée sur elle-même, elle se griffait le visage et le cou. Sa bouche grande ouverte dans une grimace de douleur ne laissait sortir aucun son, les larmes de sang cessèrent brusquement, son visage reprit une couleur normale si l’on excluait du tableau les nombreuses griffures qui le recouvraient à présent.

Difficilement, s’aidant de son épée pour se redresser et marcher, elle reprit la route laissant dans son sillage une marre de sang, les griffures sur sa peau disparaissaient lentement il ne restait bientôt sur son visage et son cou que de simple traces de sang sèches et craquelées … ses pas étaient hésitants, ses yeux ne cessaient de balayer la zone à la recherche d’un allié, mais l’odeur qui lui venait n’était pas celle d’un démon, mais l’odeur aseptisé d’un ange … il était devant elle, fier dans son armure dorée, tenant son épée droit vers elle, un sourire moqueur et assoiffé de pouvoir naissait sur son visage, il remua les lèvres ; elle n’entendit pas les mots prononcés mais très vite d’autres anges arrivèrent.

Le premier ange s’approcha, l’épée posée sur son épaule, il s’arrêta à quelques pas de Cain qui malgré sa fatigue souriait à son tour.
- L’idée de mourir te fait rire ?
- …

La démone lécha le bout de ses doigts et essuya lentement les traces de sang sur son visage, le regard plongé vers l’ange, elle ne dit rien, son sourire ne s’effaçait pas.

- Répond-moi, sauvage … tu vas payer pour ce sang
- …

Le sourire de la démone s’allongea, elle passa sa langue entre ses dents comme après un bon repas, intérieurement très amusée qu’ils pensent que ce sang n’était pas d’elle ; rassemblant tout ce qui lui restait de force elle fit tourner son Katana autour de sa main et le pointa vers l’ange, prête à combattre. Avec sa main libre elle forma méthodiquement les signes d’une incantation et une volute de fumée tourbillonna emportant l’herbe, les fleurs et les flocons de neige qui commençaient à tomber.

- Hahahahaha, regardez ces démons mes frères, si bêtes qu’ils ne savent pas que leur pouvoirs sont amoindris dans notre monde.

L’ange s’élança vers le tourbillon qui entourait la démone, le hurlement du guerrier angélique se transforma en un cri de stupeur lorsqu’il entra et se retrouva en face de Cain … ou plutôt en face de l’une d’elle. Elle s’était multipliée, trois démones en tout point égale si ce n’est leurs épées, chacune une marque différente, les trois sabres de Cain pour chacun de ses doubles.

Mais ce qui aurait pu devenir un combat palpitant allait très vite prendre fin ..

Les trois démones se jetèrent sur l’ange qui n’eut pas le temps de se protéger des premiers coups portés, mais les anges aux alentours ne furent pas longs à rejoindre les deux ennemis de sang. Trois anges et les trois Cain se battaient, mais les clones n’avaient pas assez de puissance et chaque coup qu’ils encaissaient se répercutaient sur la source : Cain ; qui en plus de son adversaire ressentait la douleur des autres.

Soudain, à la place des yeux de la démone il n’y eut que deux billes sombres où le vide semblait avoir prit ses appartements ; tout son corps se figea et les deux clones tombèrent lentement au sol ; s’évaporant comme emportés par les courants d’air… le silence régna pendant quelques secondes ; d’abord effrayé par cette vision anormale, les anges ne mirent pas longtemps à comprendre que leur ennemi n’était plus en état de se défendre. L’un deux fit un pas en avant mais le corps de Cain disparu lentement, comme si elle n’était finalement qu’un hologramme.

pour la première fois depuis son arrivée dans ce monde, elle n’avait plus de souvenirs. Une sensation familière faisait tressaillir son être, celle de découvrir à chaque seconde de nouvelles choses sur soi, sur les autres, la sensation de constituer une enveloppe vide qui ne demande qu’à connaître toujours plus.

La pièce était petite, les murs peints d’une couleur neutre et le parquet était poussiéreux, il n’y avait en tout et pour tout qu’un lit, une armoire et une commode pour remplir cette petite chambre, eux aussi recouvert d’une fine couche de poussière. Elle entra dans la pièce sans s’en rendre compte, mais ses pieds ne touchaient pas le sol, elle avait l’impression de flotter au dessus du parquet, soulevant la poussière derrière elle ; il y avait un grand miroir au dos de la porte d’entrée, elle y jeta un coup d’œil … une forme vaporeuse était en face d’elle, les yeux creux ; seule sa longue chevelure noire était solide, le reste de son corps ne semblait pas avoir de consistance, à chacun de ses lents mouvements ses vêtements et une partie de son corps paraissaient transparents.
Elle n’était pas seule, et sans se tourner vers l’endroit d’où elle sentait une présence, elle demanda d’une voix calme.
- Qu’est-ce que je suis … un fantôme ?

Une silhouette dans l’ombre fit un pas en avant sans se dévoiler pour autant
-Pas exactement mon amie …

L’ombre leva sa main en direction de la commode où le tiroir du haut s’ouvrit et s’écrasa à terre, laissant son contenu glisser vers la jeune femme qui ne cessait d’observer son apparence dans le miroir. Le vieux livre au sol s’ouvrit et les pages une à une tournaient d’elles mêmes.
La jeune femme délaissa le miroir pour le livre qui s’envolait à présent jusqu’à elle ; les pages étaient entièrement écrites, de haut en bas, pas un centimètre sans un mot ou un dessin. Le livre s’ouvrit jusqu’à la dernière page écrite, un unique mot écrit plusieurs fois dans tous les sens sous des formes différentes ; le vide qu’étaient ses yeux se réduisit, comme si elle forçait son regard à lire

- Survivre ?
-Oui, mon amie, tu le désirais tant.

Elle approcha sa main du livre mais il se déforma et elle passa à travers ; toute la pièce devint floue, le sol aussi disparaissait peu à peu mais au lieu de se sentir tomber ou sombrer à son tour elle se retrouva au bas d’une colline, l’herbe chatouillait ses pieds nus. Son regard se posa sur ses jambes, elles touchaient le sol cette fois-ci, sa peau frémissait au contact de l’herbe grasse et humide.

- Pourquoi je …
Elle tourna sur elle-même à la recherche de l’inconnu, le regard tourné vers l’horizon mais personne n’était présent. Des voix retentirent au loin, un homme aux longues ailes noires et une femme à la peau rouge comme du sang ; la démone sentit une vague de frisson traverser son être, remonter le long de sa colonne vertébrale pour envahir son crâne.
Elle resta immobile regardant le couple discutait sans entendre leurs paroles ; l’homme se leva brusquement et couru derrière l’arbre immense qui dominait la colline. Quelques minutes plus tard il en ressortit avec un drôle de panneau de la même taille que lui et le présenta à la femme qui ria de bon cœur.

-Sais-tu qui elle est ?
- … Oui, je crois.
Un sourire timide se dessinait sur son visage, elle ne quittait pas du regard la jeune femme au loin et essuya discrètement une larme sur sa joue avant continuer sa phrase, la voix cassée.

- C’est moi, mais … elle baissa son regard vers ses mains puis ses bras … nos corps
-Celui-là n’est pas le tien, viens avec moi, nous avons à parler
- Non, je reste là, je veux savoir qui il est
- Celui pour qui tu as voulu survivre, celui pour qui tu as transgressé les lois de la vie et la mort, celui pour qui tu as voler ce corps et vécu sans en avoir le droit.
- Je, non ... je ne veux pas
- C’est inéluctable

Le couple en haut de la colline se déforma comme le livre le fit avant de disparaître, Cain détourna la tête vers l’inconnu à ses cotés et pour la première fois, découvrit à travers le voile de ses larmes à quoi il ressemblait. Un homme très mince, aux cheveux gris, mais dont le visage semblait encore jeune. Il était vêtue comme un dandy et prenait visiblement grand soin de son apparence. Elle fut surprise et un doux sourire amusé traversa son visage en larme.

- Suis moi

Il attrapa la main de la démone et fouetta élégamment l’air, le décor disparu dans un flop énigmatique et ils se retrouvèrent au milieu d’une forêt incroyablement dense, des arbres si grands que leurs cimes semblaient jouer avec les nuages. Il n’y avait pas de chant d’oiseau, pas de traces de pas d’un quelconque animal sauvage, seul le crépitement d’un feu de camp animait l’ensemble. Le vieux sorcier était debout devant le feu, bien droit, les mains derrière le dos ; la scène avait quelque chose d’étrange et la jeune femme semblait ne plus savoir où regarder pour comprendre ce qui se passait. Elle fit quelques pas vers le feu et s’installa sur une pierre ronde, en face du sorcier.

- Pourquoi tu m’appelles comme ça ?
- Parce que tu ne voulais pas que je dise mon enfant
Elle le toisa de haut en bas
- Je dois avouer que je ne m’en souviens pas ; mais je dirais la même chose aujourd’hui
Le sorcier rit aux éclats visiblement amusé, une lueur presque tendre dans son regard.

- Est-ce que tu dois me tuer ?
- Non, non … jamais je ne pourrais faire une telle chose. J’ai ôté la vie de nombreuses fois, des anges, des humains ainsi que des démons, et pas toujours pour des raisons justifiables aux yeux de beaucoup de tes semblables. La notion de scrupule ne prend pas beaucoup de place dans ma vie, mais jamais je ne mettrais fin à l’existence d’une réussite, d’une victoire personnelle sur l’âme …
- Dans combien de temps je vais mourir ? … demanda t’elle soudainement, lui coupant la parole sans pondération et sans même avoir l’air surprise de ses derniers mots

Le sorcier baissa la tête vers la démone et la regarda dans les yeux, les sourcils relevés.
- Tu as changé. Je regrette de t’avoir perdue pendant ces longs mois, tu es devenu …
- Combien ?
- Je ne sais pas, peut être demain, peut être dans une semaine ou bien ce soir. Mais tu peux décider de partir en souffrant ou … en paix.
- Il n’est pas dans la nature de notre race de partir en paix.
- Appelle cela comme tu veux dans ce cas … Cain, je vais te poser une dernière question.
Elle acquiesça d’un geste discret de la tête.

- Veux-tu connaître ton passé avant de partir.
- Vous le connaissez ?
- Oui, je te connais depuis très longtemps et si tu veux l’apprendre, je te dirais tout de moi, de nous … mais en ce qui concerne ton histoire ; il y a une personne qui t’en parlera mieux que moi.
Cain haussa un sourcil et regardait à présent impatiemment le sorcier, il sembla lire son impatience et se leva.

- Ta mère, pour commencer, puis toi ; tes propres mots seront mieux appropriés que les longs récits d’un vieux gâteux.

Il posa devant elle le vieil ouvrage qu’elle avait vu dans sa chambre. Un livre épais, les pages étaient abîmés et jaunis par l’usure et le temps, des pages volantes dépassait ça et là. Elle se mit en tailleur et commença sa longue lecture, ses yeux restèrent très concentrés malgré la dureté de certain passage évoquant son enfance.
Des heures furent nécessaires pour parcourir le livre de sa vie et lorsqu’elle eut finit elle posa son regard sur le sorcier d’un air incrédule.

- Je ne vois rien là dedans qui me dis pourquoi je dois mourir
- Et tu ne t’es jamais demandé pourquoi ta malédiction ne t’a pas suivi jusque dans ce monde ?
- Parce qu’elle était lié à l’autre
- [Exactement, et on l’a enfermé dans ton corps …
- Qui n’est pas arrivé jusqu’ici …

Le regard du sorcier se fit plus tendre, presque désolé, ce qui irrita la démone.
- Ne me fais pas ces yeux là tu veux.
- Ce corps tu l’as volé
- Je me suis battu pour l’avoir, cria-t-elle par réflexe, je l’ai gagné, il est à moi, je suis revenue toute seule sans l’aide de personne.
- Mais tu n’en avais pas le droit Cain, même si tu as été plus forte que la fatalité à ce moment, tôt ou tard, elle te rattrape. Et fuir ne changera rien ….
- Je n’ai jamais fui
- Je sais, mais beaucoup l’envisage quand la fin est proche.
- ça ne colle pas tout ça bon sang, pourquoi je n’ai pas le droit de tout recommencer.
Le vieux sorcier soupira longuement

- Je suis un nécroman Cain, ce qui veut dire en quelques mots que je joue avec la mort et la vie comme un enfant avec une balle rebondissante. Mes sortilèges sont puissants, mes nombreuses années d’expérience et la recherche continuelle de la perfection m’ont amené à savoir faire de grande chose. Longtemps je n’ai fais que réveiller les morts pour m’en servir ou qu’ils servent à d’autre, je lis l’avenir à mes heures perdues …. Mais quelque soit ma puissance, au réveil, les créatures manquaient de quelque chose ; c’est pourquoi j’ai décidé de jouer avec la mort et le destin avant qu’ils ne rattrapent mes sujets …
- Vas droit au but
- Comme il te plaira. Je t’ai évité de mourir, enfin de disparaître à jamais, je ne t’ai pas réveillée … mais ta malédiction venait de prêtres angéliques très puissants, des prêtres liés à leur terre, à leur monde, à leurs Dieux. J’ai scellé le sort mais je ne pouvais pas t’enlever ce lien. Dans l’autre monde tu aurais vécu très longtemps, indéfiniment peut être … mais tu y étais lié plus que n’importe qui. Tu as été mon premier sujet parfait en tout point …
- Tu oublis ma mémoire …
- C’est un fait, mais si je me souviens bien … tu disais toi-même, avant lui, que la mémoire était une entrave, non ?

Cain remarqua le ton particulier du vieux necroman lorsqu’il fit mention de “lui” et son visage se détendit un peu, ses yeux regardaient le vieil homme avec une lueur amusée.
- As-tu un problème avec ce lui dis moi ?
- Non non, pas du tout … ça m’avait surpris … à l’époque
- Qu’est-ce qui était surprenant, tu fais parti de ceux qui pensent qu’un démon ne peut s’attacher à un autre.
- Non, j’ai vite appris que vos sens sont naturellement exacerbés, c’est normal que la passion et l’attachement le soient aussi. Mais … je ne t’avais pas imaginé si douce.

Le rire soudain de la démone résonna autour d’eux, d’abord surprit, le sorcier se mit lui aussi à rire de bon cœur. Pendant quelques minutes, ils rirent bruyamment oubliant tout autour d’eux, mais cette joie était aussi nerveuse qu’éphémère et leur rire laissa place à un profond silence. Cain fut la première à reprendre la parole, le regard perdu dans les flammes.

- Donc c’est irréversible, c’est la fin. Au revoir, on a été ravi de faire votre connaissance … c’est ça ?
- Ne fais pas ça …
- Comment veux-tu que je réagisse ?
- Avec du recul … non … avant de dire quoi que ce soit, écoute moi. Je ne te dis pas que tu trouveras une solution miracle après une nuit de sommeil. Si elle existait je te l’aurais trouvé. Mais ce que je désire c’est que tu partes sans douleurs, qu’elles soient physiques ou psychiques.

Cain avait fermé les yeux, la tête relevée vers le ciel noir de la nuit, elle se sentait lasse, fatiguée de lutter …elle avait sommeil. Ses yeux s’ouvrirent difficilement vers le vieil homme qui attendait une réaction mais elle n’avait aucune envie de réagir, seule la résignation gagnait son esprit. Elle se releva, parcourant la forêt d’un regard vide, ni la colère, ni l’amertume ou les regrets ne s’y reflétaient ; elle s’avança vers le vieil homme et lui tendit une arme de petite taille, un simple ruban rouge décorait cette lame qui ne dépassait pas les 30 cm.

- Je n’en aurais plus besoin. Ceci était un cadeau, une marque de confiance. Quelle confiance peut-on avoir en une morte.
Elle posa ses doigts sur les lèvres du vieil homme avant qu’il ne parle et approcha son visage, elle déposa un baiser sur sa joue et lui murmura un mot à l’oreille d’une voix calme, trop calme. Elle se redressa, un sourire énigmatique aux bords des lèvres et s’en alla laissant là ses affaires.

Le vieux necroman ne parla pas, il la regarda partir sans un mot tenant l’arme serrée dans ses mains. A quelques mètres de là, Cain se retourna légèrement de sorte à rester de profil, la tête baissée, le visage serein.

- Au revoir … Ashen.

Le sourire surprit du vieux sorcier fut l’un des derniers souvenirs de Cain..