Nostalgie...

Tables renversées… Toiles d’araignés pendantes un peu partout… Poussières, poussières, poussières… Débris de bois et de verre…
Désolation !

Tarnotah entra dans la salle commune du Bégon. Etait-ce vraiment lui, ou bien juste son esprit ? Etait-il physiquement présent ? Il n’aurait su le dire. Depuis la dissolution du Bégon, il n’était plus lui-même.
Qu’était devenu ce monde qui l’avait vu grandir ? Qu’était devenu les valeurs auxquelles il avait toujours cru : Haine ? Cruauté ? Violence ?
Tout avait changé… Mais était en bien ou en mal ? Et qu’est-ce que le bien et le mal ?

Tarnotah avança, se déplaçant parmi les débris de ce qui fût pendant longtemps son chez lui. Un brin de nostalgie lui traversa l’esprit l’espace d’un instant. La nostalgie n’est-elle pas un sentiment humain ou angélique ? Serait-il devenu si faible ?

Il continua d’avancer, se dirigeant vers la porte qui donnait sur le petit bureau. Il se sentit tout à coup extrêmement las.

Cette voix…
Cette voix pénétrante et froide, cinglante de vérité, qui jamais ne se taisait
Aujourd’hui encore elle visitait les quelques esprits venant à passer.


Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

Beaux jours passés
sur les terres que nous avons brulées
Flot long vénérés
Du sang que nous avons fait couler.

Le temps n’est plus à nous
Le notre est parti voilà tous.
Place à la misère au chaos des enfers
Place à la dégénérescence d’un bien déchu Lucifer.

Grandeur, sang et loyauté
Nous t’avions pourtant tout donné
Epidémies, meurtres et tueries
En ton nom c’était notre patrie.

Pardonnez moi…
Pardonnez moi Lamartine
A qui j’ai volé ces premiers vers
Jamais je ne courberai l’échine
Plutôt pour toujours hanter ces airs.

Si la mort ne m’a pas prise
Si la mort ne m’a pas soumise
Toi qui fus ma loi
Jamais au grand jamais tu ne me courberas
car tu n'as plus l'étoffe des rois
Lucifer tu n’es plus pour nous
Qu’un pauvre pantin bien mou…


Non rien n’apparu, ni ombre froide, ni sombre tentacule déchainée.
Amélia n’était plus.

Tarnotah s’arrêta quand il entendit une voix, comme porté par un souffle. Une voie qui semblait à la fois douce, et cruelle… une voie… comme… Amélia.

Instinctivement Tarnotah se retourna pour voir d’où venait ce qu’il savait venir de nulle part. Derrière lui, rien avait changé. Pas de trace d’Amélia. Pas même de trace de ses propres pas dans l’épaisse couche de poussière. Il n’était plus qu’on ombre, plus qu’esprit.

Tarnotah se concentra sur cette voix. Elle n’était que vérité. Il n’y avait plus d’enfer, abandonné de Lucifer, et rejeter des démons. Il savait son temps et celui de ses compagnons révolus, mais il avait espéré… un immense accablement l’envahi. La fin était proche !

Le monde avait changé, beaucoup avait disparu, et le begon n'était plus. Néo était resté avec en lui ce goût d'inachevé, d'étranges regrets, en somme de la nostalgie d'un temps révolu, d'un passé pourtant si agréable.

Lui laissa ses traces sur le sol poussièreux et dut écarter quelques toiles d'araignée afin de rejoindre le bar. Finalement rien n'avait réellement changé ici, hormis peut-être le vide, le silence, l'absence des autres. Il glissa son doigt sur le comptoir, caressa les murs à la recherche d'une éventuelle présence.

Des âmes hantaient-elles encore les lieux où les disparus avaient depuis longtemps rejoint le néant ? A en croire par la voix pénétrante et froide qui pénétra son esprit, il en restait au moins une et pas n'importe laquelle...

Amélia...

Les murs pourtant ne la cachait pas, à son grand regret et voilà qu'il soupira...

L'air du bar sentait le renfermé. Quelques meubles étaient renversés sur le sol. Des verres abandonnés il y a fort longtemps avaient vu passer en leur sein toute une succession de colonies bactériennes et fongiques.

Un nuage de poussière se mit à se lever et tournoyer sur lui même. Des éclairs le parcoururent tandis que la forme se précisait. La chose nommée 2StµP& se matérialisa. Il venait du passé et s'était projeté dans l'avenir.

Dans ce sombre avenir de solitude et d'oubli.

Ses capteurs parcoururent les ondes électromagnétiques sur de multiples bandes. Personne. Sur le sol le perchoir de Le Hurleur que 2StµP& avait résorbé.

Peut-être qu'à un prochain voyage temporel il amènerait le démon ararauna pour le voir hurler des insultes à tue tête et remplir le lieu du souvenir du glorieux passé du Bégon.

2StµP& se translata 3D, alla chercher derrière le bar un objet. La forme se dématérialisa dans un crépitement d'éclairs. Seule un nuage de poussières évoquant la forme de 2St subsista et lentement dériva vers le sol...